TOTALEMENT LOVE…

Au cœur de la joyeuse tablée des grands gourmets, Julie Andrieu, c’est un peu la copine qu’on n’a même plus besoin de présenter et à qui tout le monde fait des clins d’œil complices… 

Pour ceux qui seraient encore paumés dans le déni ou dans une grotte sans la Wi-Fi, un petit complément d’info et de réalité s’impose. Sachez que cette demoiselle au regard plus pétillant qu’une coupe de champagne millésimé, et au sourire aussi solaire qu’une gamine devant un sac de bonbecs, a décidé un jour de troquer ses sandalettes de baroudeuse hippie et son Nikon de photojournaliste pour dorénavant explorer le monde… avec ses papilles… Résultat ! Plus d’une trentaine de livres de cuisine qui s’entassent comme des trophées, une pléiade d’émissions télé (dont celles en Périgord sur la cuisine de Michel de Montaigne ou de Joséphine Baker) où elle défend nos terroirs avec la ferveur d’une lionne protégeant ses petits, et une passion dévorante pour la gastronomie qu’elle décortique, magnifie et, ô combien, sublime ! Aujourd’hui, elle débarque dans Gastronomie du Périgord pour nous distiller tout l’amour qu’elle porte à notre région… alors forcément, nous on a religieusement noué notre serviette autour du cou et on lui a posé tout plein de questions…

Si elle est raide dingue du Périgord ? Facile, faut juste ouvrir les écoutilles et l’écouter nous en parler : Alors, oui, bien sûr, je suis tombée raide dingue de votre région… ça fait bien longtemps que je connais le Périgord. J’y suis venue enfant, j’y suis venue adolescente parce que mon ami d’enfance, Guillaume Gallienne, avait une très belle maison dans le Périgord. Et puis, j’y suis venue par plaisir tout au long de ma vie… et évidemment, la gastronomie n’est pas le moindre des trésors du Périgord. Donc, oui, je suis décidément raide dingue du Périgord. Il n’est pas très accessible. Il n’y a pas un TGV direct de Paris, mais tant mieux, parce que c’est grâce à ça que le Périgord reste aussi protégé..

Et puisque Julie évoquait la gastronomie du Périgord, d’enchainer sur quelques souvenirs bien mijotés : 

La tourtière périgourdine est un plat qui m’a marquée, parce qu’à la fois c’est un plat très ancien qui se fait à la cheminée traditionnellement, qui peut bien sûr se cuisiner au four, mais c’est quand même bien meilleur à la cheminée, dans une tourtière, puisque l’ustensile a donné son nom au plat. Et donc il s’agit d’une pâte, souvent maison, un petit peu brisée, ou qui peut être aussi une pâte feuilletée… au poulet au salsifi… j’ai gardé un merveilleux souvenir de ce plat périgourdin… et moi, ce qui me plaît dans les cuisines de terroir, c’est de rester fidèle à leurs origines, parce que déjà, elles ont tendance à se perdre. Si en plus, on les réinvente, où va le monde ? C’est que j’ai été élevée dans un milieu urbain où il n’y avait pas de racines, en tout cas culinaires. Donc j’avoue que j’ai un grand respect pour ces recettes et que si elles sont élaborées comme ça et qu’elles ont traversé les âges, ce n’est pas par hasard. Donc voilà, on peut s’amuser à les réinventer, mais je m’attache avant tout à les préserver. Quitte à plonger dans les délices du Périgord, on avoue, on a sorti les questions qui fâchent… Son verdict entre truffe et cèpe ? Foie gras d’oie ou de canard ? Oulala, dilemme cornélien ou trahison gastronomique en vue ? Alors la truffe est merveilleuse… mais d’une façon générale, j’évite de trop parler des produits qui sont chers… Donc voilà, la truffe c’est un produit que j’adore… et j’avoue que les meilleures que j’ai mangées, c’était effectivement dans le Périgord, sur place… Alors moi, je dirais que le cèpe est vraiment peut-être mon champignon favori parce qu’il est plus accessible quand même, il est plus abondant et puis surtout il peut se cuisiner de mille façons… On peut en faire des omelettes… en faire une salade crue avec un filet d’huile d’olive, un peu de parmesan, c’est merveilleux, et des herbes aromatiques. Donc vraiment, c’est un ingrédient de cuisine merveilleux et qui peut même, pour les végétariens, remplacer la viande, parce qu’il y a un côté comme ça très primitif dans un cèpe poêlé, rôti, qu’on va pouvoir croquer.

« Des paysages extraordinaires, très différents, très vallonnés, très secrets, où finalement, on a l’impression de rentrer dans une carte postale. »

C’est vraiment un des grands ingrédients de la cuisine française en général et périgourdine en particulier, bien sûr.

Foie gras de canard ou d’oie ? Moi, j’aime bien le goût un peu soutenu du foie gras de canard, j’avoue, d’autant que je l’aromatise souvent avec de l’alcool, les épices, juste ce qu’il faut, que je n’hésite pas à le faire rassir. Sinon, vraiment, si on le mange frais, il n’a quand même pas beaucoup de goût. Donc je dirais canard… et encore une fois, c’est un produit traditionnel qui doit être vraiment réservé aux grandes occasions… évidemment qu’on ne va pas consommer du foie gras toute l’année et que si on le fait, il faut l’acheter auprès de fabricants que l’on connaît et dont on sait qu’ils sont impliqués et qu’ils sont soucieux de respecter l’animal, malgré, c’est vrai, le côté quand même un peu… contraint de cette alimentation. (Pour réconcilier tout le monde) En allant faire les Carnets de Julie en Alsace (autre pays du foie gras), j’ai découvert (chez un traiteur) leur foie gras, qui est un foie gras qui mêle canard et oie. Un lobe de canard, un lobe d’oie… c’est une recette merveilleuse (à méditer).

Coquinous que nous sommes, on n’a pas pu résister à lui poser une question légèrement proustienne : quel trésor périgourdin glisserait-elle dans son baluchon pour aller méditer sur une île déserte ? Peut-être la noix, parce que j’en aime un peu tout. J’en aime le fruit, bien sûr, qu’il soit d’ailleurs sec ou vert, parce que la confiture de noix verte, ça aussi, c’est une des découvertes que j’avais faites… Quoi qu’il en soit, la noix peut donc se cuisiner verte en confit, en confiture. Elle peut évidemment se manger fraîche, sèche. On en fait désormais de la farine… j’ai le souvenir de la visite de ce moulin merveilleux, le Moulin de la Veyssière (à Neuvic, Périgord blanc), qui est un endroit incroyable, qui a traversé les âges, avec son énorme meule de pierre qui moule les noix, qui en fait une huile délicieuse, délicatement torréfiée, juste ce qu’il faut, mais qui aussi récupère le tourteau pour en faire de la farine de noix. Et ça, c’est un produit que je trouve très intelligent parce qu’autrefois, j’imagine qu’on le donnait aux cochons, voire on le jetait.

La cuisine, c’est chouette, mais Julie ne s’est pas arrêtée là. Son ode au Périgord a pris des accents… disons plus géographiques… façon carte postale enamourée : Le Périgord offre à la fois, évidemment, un patrimoine de vieilles pierres, de châteaux, d’églises, absolument fascinant. C’est vrai que j’y suis très sensible. Et par ailleurs, des paysages extraordinaires, très différents… très vallonnés, très secrets, où finalement, on a l’impression de rentrer dans une carte postale, mais on est surpris à chaque virage, à chaque pas si on marche, ou à chaque, comment dire… tour de rame, si on a la chance de pouvoir faire du canoë sur la Vézère, par exemple…

Par Ophélie Pessoa – Crédits photos : ©Albin Michel

Pour prolonger cette savoureuse discussion, plongez-vous dans 100 recettes à sauver de Julie Andrieu (Albin Michel, 2024) : un véritable hommage au patrimoine culinaire français.

Plus d’informations, cliquez ici : 100 recettes à sauver ! | Julie Andrieu